Chapitre 6
Chapitre 6
Je me réveille dans les bras de Wil, je ne l’ai pas senti se blottir contre moi, il s’est couché tard. Je suis tellement bien, je pourrai y rester éternellement. Son odeur indescriptible me chatouille les narines quand j’enfouis mon nez dans son cou chaud, c’est agréable. Je ne me suis jamais sentie aussi bien. Je surprends son regard.
- Cela fait presque une heure que je te regarde dormir, j’ai cru ne jamais pouvoir me lever.
- Tu aurais pu partir.
Silence.
- En fait, reprend-t-il, tu me retiens un peu.
Je me rends compte que mes mains agrippent son tee-shirt avec force. Je le relâche précipitamment.
- Je suis désolée.
- Pas grave, me sourit-il, ce n’était pas désagréable, au contraire.
Je rougis puis me place en tailleur sur son lit. Il se glisse derrière moi, j’appuie mon dos contre son torse.
- Tu es prête pour ce soir ?
- Oui, dis-je d’une voix tremblante.
- Tu mens très mal.
- Parle-en à toutes les personnes auxquelles je mens.
Il m’embrasse doucement dans le cou.
- Tout va bien se passer, je te le promets, n’ai pas peur.
Je respire doucement. Je vais revoir Hermond et Dain. Mes parents nous ont quittés, ils ne reviendront pas et c’est douloureux, c’est certain. J’ai une blessure incurable au cœur, mais savoir que mes frères vont bientôt être là pour m’aider me rassure et m’aide à ne pas pleurer trop vite. Ce sont eux qui vont m’aider à me battre.
Wilfrid promène doucement ses lèvres en caressant mon ventre. Peut-être que l’un de nous deux ne va pas réussir à franchir la Clôture. Je prie pour que Wilfrid réussisse si cela devait arriver, je ne suis pas indispensable contrairement à lui. Je profite de nos instants et me colle plus fermement à son corps, ses bras se resserrent autour de ma taille. Le sentir près de moi m’est d’un grand réconfort. Ses lèvres descendent le long de mon épaule, je sens sa chaleur. Mon ventre gargouille ce qui le fait rire.
- Tu as faim mon ange ? dit-il en rigolant doucement.
- Oui, un peu.
Sans quitter ses lèvres de ma peau, il prend des comprimés blancs à l’aveuglette dans un tiroir. J’ouvre la bouche et il me le donne, je l’avale sans difficulté.
- Ça va mieux ? s’inquiète-t-il.
Je soupire d’aise.
- Oui, merci. C’est instantané.
Il regarde mes lèvres avidement. Il s’approche doucement mais un coup à la porte l’interrompt dans son élan.
- Monsieur Ari, veuillez ouvrir cette porte immédiatement aux noms des Leaders, tonne une voix masculine.
Des Leaders ? Je jette un regard anxieux à Wil. Il n’est que neuf heures et ma sœur ne travaille qu’à neuf heures et demie, cela ne devrait pas être en rapport avec ma disparition.
- Merde ! dit Wil tout bas. Reste ici !
- Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils….
- Agénia, me dit-il sévèrement. Ce n’est pas le moment d’être curieuse.
Il sort de la chambre et la ferme à clé.
- Wilfrid Ari ! s’égosille le Leader.
J’entends un bruit de porte. Que se passe-t-il ? Je suis toujours assise sur le lit, les jambes recroquevillées sur ma poitrine.
- Désolé pour l’attente.
Sa voix me paraît loin, étouffée par le peu d’isolation des murs.
J’imagine le Leader être la copie conforme d’Olaf Ganecha, le crâne chauve et un air horriblement supérieur.
- Où en êtes-vous avec la bombe ? demande l’homme.
Une…une bombe ? Je m’attends à ce que Wil démente ces propos, qu’il ne comprenne pas ce qu’il se passe, mais….
- J’y travaille encore. Je vous promets de faire le plus rapidement possible.
Je n’y comprends rien. Pourquoi discute-il tranquillement de…bombe, avec un Leader ?
- N’oubliez pas le marché Monsieur Ari.
Mon cœur tambourine à une vitesse vertigineuse. Et si…et si Wil était l’un des leurs ? Non, c’est impossible, il est le Chef des Rebelles, les Leaders ont tué sa famille.
Mais alors, que se passe-t-il ?
- Oui, bien sûr. Dites-moi si elle va bien.
- Aussi bien que l’est une enfant en prison Monsieur Ari. Mais nous avons enlevé les rats de sa cellule, comme vous nous l’aviez demandé. Je ne sais pas combien de temps elle va tenir, alors faites vite.
Quelle enfant ?
- Je ferai de mon mieux.
Je suis déconcerté par cette histoire. Je ne saisis pas bien la situation, mais je suis sûre d’une chose : Wilfrid me cache un lourd secret.
La porte s’ouvre brutalement sur l ‘origine de mes interrogations. Je n’avais pas entendu le départ du Leader.
Il me regarde, je suis toujours assise sur le lit. Il a dans ses yeux une lueur étrange, presque féroce.
- Agénia, me lance-t-il sèchement. Il faut que tu partes, on se voit ce soir.
Je ris nerveusement devant sa froideur.
- Tu crois vraiment que je vais m’en aller sans poser de questions ?
Je reste sur le lit, bien déterminée à ne pas le quitter.
- Je n’ai ni le temps, ni l’envie de satisfaire ta curiosité.
Je suis énervée à mon tour. Pourquoi faut-il qu’il me cache toujours des choses ?
- Attends…je commence en élevant la voix. Mais…c’est quoi cette histoire ?
- Agénia, s’emporte-t-il. Tu commences à devenir agaçante !
Je descends du lit, vexée et commence à me changer. Je ne porte rien mise à part ma chemise froissée et mes sous-vêtements.
- Je pourrai te dire la même chose ! Alors tu as gagné, je m’en vais, mais ne compte pas sur moi pour t’adresser la parole ce soir ou même dans les jours à venir ! Si tu ne me fais pas assez confiance, je crois qu’il vaut mieux en rester là.
Bien sûr, je n’en pense pas un mot, mais les paroles sont sorties naturellement et cela devrait sans doute l’aider à me dire ce qu’il se passe.
- Arrête ton petit numéro Agénia, je suis habitué !
C’est vrai que je lui ai déjà fait le coup…
- Et moi je n’en peux plus de toujours devoir supporter tes secrets !
Je pars sans même lui laisser le temps de répliquer mais mon portable sonne alors que je franchis le pas de la porte.
- Allo ! je réponds énervée.
- Heu….Salut Agé, c’est Tyson. Je te dérange peut-être ?
- Non, non, dis-je vivement.
- Ah…alors tant mieux. Tu n’es pas chez ton amie et chez ta sœur et nous avons rendez-vous, tu te souviens ?
Je le sens déconcerté par mon ton froid. Je lui réponds plus doucement :
- Oui, je suis au 16 rue #2567, viens me chercher s’il-te-plaît.
- Rue #2567 ? s’exclame-t-il. Mais que fais-tu là-bas ?
- C’est une longue histoire.
- Alors j’arrive.
Je raccroche et m’apprête à partir mais un bras me retient. Je fais face à Wil, qui m’implore du regard.
- Agé, me dit-il gravement, plantant son regard bleu dans le mien. Je ne veux pas que l’on se dispute, j’ai besoin que tu sois de mon côté.
Il m’agace prodigieusement. Il me fait passer pour la fautive !
- Mais je suis de ton côté ! Seulement, je ne sais pas si je pourrais y rester si tu me caches autant de choses.
Il se mord la lèvre inférieure.
- Tu vas rejoindre Ganecha ?
Bien sûr, change de sujet.
- Oui.
- Dis-lui que tu as un copain.
- Que j’avais un copain, dis-je sans en penser un mot.
Il me plaque contre lui et m’embrasse. Je le laisse faire.
- Je suis désolé, me souffle-t-il. Je pensais t’en parler après notre mariage.
- Notre mariage ? je m’indigne en me dégageant. Mais que se passe-t-il de si terrible ?
- Je peux juste te dire que connaître ce lourd secret te mettrait en danger, ils me font chanter.
Je me calme petit à petit.
- Qui est cette enfant ?
- Je ne peux pas de le dire, désolé.
Je soupire bruyamment.
- Très bien. Mais je n’attendrai pas notre mariage, une fois dehors, je veux savoir.
- J’y réfléchirai, mais je ne te promets rien.
Je reçois un message de Tyson. Il est en bas. J’embrasse Wil pour lui montrer que je l’excuse avant de sortir de l’immeuble.
SUITE DU CHAPITRE 6
- Bonjour !
J’ouvre la portière avec humeur. Tyson a pris la même voiture que le jour du Bal, quelle gentille attention.
- Salut, me répond-t-il, hésitant.
Il doit être déboussolé. Il est vrai que je n’étais pas des plus chaleureuses au téléphone et j’arbore maintenant un sourire éclatant.
Ty démarre alors que je m’engouffre dans la voiture. Nous arrivons rapidement à la Pointe Noire, j’ai de nouveau la nausée après sa conduite brusque et rapide. Nous entrons dans le garage rempli de voitures. Ty gare sa voiture avant d’éteindre le contact en me souriant.
- Ton père est chez toi ? je demande nerveusement.
- Oui. Pourquoi cette question ? me répond-t-il avec un sourire narquois.
Je n’ai jamais réellement vu Olaf Ganecha, la peur me saisit.
- Je voulais juste être curieuse, dis-je avec calme, pour ne pas me trahir.
Son sourire s’accentue.
- Tu as peur ?
- Bien sûr que non ! je m’exclame, comme si cette idée était absurde.
Il s’approche lentement de moi et plonge ses magnifiques yeux bleus dans mon regard. Un éclat de malice brille dans son regard.
- En es-tu vraiment sûre ?
Je souris maladroitement.
- Je ne serais pas ce que je suis s’il m’effrayait.
Je m’attends à ce qu’il se refroidisse en se rappelant de mon statut de Rebelle. Mais à mon étonnement, il se contente de rire.
- Très bien. Alors on y va.
Je prends une grande bouffée d’air frais avant de sortir. Nous utilisons l’ascenseur en silence, mais je sens le regard de Tyson peser sur moi. Je prends un air détaché afin de mieux me concentrer sur ma réaction face à mon pire ennemi. Peut-être sera-t-il absent… Oui, il a sûrement autre chose à faire. Nous pénétrons dans la luxueuse demeure. Ma lueur d’espoir s’éteint aussi vite qu’elle est arrivée.
Son air prétentieux et hautain exhale la pièce, comme si sa présence envahissait chaque centimètre carré de l’appartement. Grand et musclé, une barbe naissante, le visage dur et un regard…insupportable. Ses yeux sont verts avec quelques taches marron à l’intérieur. Je pensais éprouvait de la peur mais je me suis trompée.
Je ne ressens que du dégoût et de la haine pure et dure, envers cet ignoble personnage.
- Tyson… Je vois que tu es en élégante compagnie.
Quel connard…
Il me fixe, d’abord avec intérêt, puis avec antipathie. Je ne comprends pas ce changement de… Un déclic se fait dans ma tête, alors que Tyson se courbe doucement pour me rappeler le protocole. A contre cœur, je me baisse lentement, dans une révérence presque moqueuse. Toute ma haine est dans mes yeux, je voudrais le tuer tout de suite. « Cet homme a tué mes parents ! ai-je envie de hurler. Il a exterminé des dizaines de millier de personnes ! »
- C’est un honneur de vous rencontrer Monsieur Ganecha. Je me nomme Agénia Aysun.
Ces mots m’arrachent les lèvres.
- Agénia Aysun ! s’exclame-t-il.
Pourquoi l’évocation de mon nom le met-t-il dans cet état ? Peut-être est-ce parce qu’il se souvient de ma famille, ainsi que de leur meurtre.
- Le nom de Starla t’évoque-t-il quelque chose ?
Je fronce les sourcils, ne voyant aucun lien avec mes parents.
- Non, rien du tout. Pourquoi cette question ?
Ce n’est pas vraiment respectueux d’être aussi curieuse mais cette question est vraiment étrange et je veux en découvrir l’origine.
Il parait soulagé et balaye ma question d’un revers de main.
- Peu importe. Tu dois être la sœur d’Anya Aysun ?
Oui, je suis bien du même sang que cette traitresse.
- Oui, dis-je simplement.
Il me fixe durant quelques secondes avant de se tourner brusquement vers son fils, se désintéressant totalement de moi.
- Je vais voir Pale. Bonne journée. Heureux d’avoir fait votre connaissance Mademoiselle Aysun, j’espère vous revoir très prochainement.
Oui, ce serait tellement bien !
Il s’éloigne d’un pas assuré, nous laissant seuls dans le salon.
- Qui est Starla ? je demande à Tyson.
- Aucune idée, me répond-t-il en haussant les épaules. Mon père est assez étrange, n’y fait pas attention.
Je ne l’avais même pas remarqué !
Tyson se dirige dans sa chambre, je le suis machinalement.
- C’est propre chez toi.
Je ne sais pas quoi dire d’autre.
- Oui, les femmes de ménage sont efficaces.
- J’aurais aimé en avoir une, dis-je distraitement. Mais ma mère ne…
Je ne finis pas ma phrase et m’arrête brusquement. Ma mère me manque et même si je reste forte et courageuse, comme si la mort ne m’atteignait pas, je souffre. Ty me prend dans ses bras, je me laisse faire et resserre son étreinte. Mes larmes coulent une à une, doucement. Je lève la tête vers mon ami, il me sourit et passe sa main dans mes cheveux. Je ne comprends plus le reste de la scène.
Je l’embrasse.
Ce baiser est doux et réconfortant mais je recule brusquement.
Je ne peux pas. Je sors avec Wilfrid et celui-ci est déjà assez jaloux.
La bouche sèche, le ventre noué, je regarde horrifiée Tyson, j’ai la sensation d’avoir trompé Wil. De plus, j’ai apprécié cet échange…
- Je…je suis désolé Agénia, balbutie Tyson, je ne voulais pas…
- Non, ce n’est pas de ta faute. Je voulais juste te dire que… j’ai un petit copain.
Au vu de son visage, je sais que je lui ai brisé le cœur. Il ouvre grand les yeux et fait un pas en arrière, un sourire maladroit sur ses lèvres pour ne pas montrer sa tristesse.
- Oh. Je vois. On peut faire comme si de rien n’était si tu veux.
Je m’assoie timidement sur son lit en prenant soin de laisser une distance raisonnable entre nous. Je ne sais pas comment aborder le sujet des Rebelle après cette étrange scène.
- Tyson, je…enfin, nous aurions besoin de ton aide.
Il fronce les sourcils, surpris.
- Pour ?
Je prends une profonde respiration et le regarde droit dans les yeux.
- Il nous fait des armes pour tuer les inters.
SUITE DU CHAPITRE 6
Il parait hésité un petit instant puis dit
- Je n’en ai que deux.
Je m’arrête de respirer durant quelques secondes lorsqu’il se dirige vers son oreiller et retire deux revolvers de la taie. J’en prends un avec une prudence. J’ai déjà eu une arme entre les mains mais celle-ci est extrêmement précieuse.
A première vue, le revolver semble banal : de couleur noire, léger et assez évolué en matière d’esthétique. Il est inscrit O.P.A sur la tranche: l’O.P.A est l’organisation qui s’occupe de la fabrication des armes des Leaders.
Je me tourne vers Tyson après mon examen et lui lance un regard interrogatif.
- Tu peux la prendre, dit-il en souriant.
J’ouvre grands les yeux : je suis surprise par son geste. Quel Leader serait assez inconscient pour offrir une arme mortelle pour lui, à une Rebelle ? Je lui fais un large sourire.
- Merci infiniment, tu ne peux pas savoir à quel point je te suis reconnaissante !
Je plonge dans ses magnifiques yeux bleus. Deux saphirs brillants et hypnotiques.
- Je ne demanderais qu’une seule chose : à quoi va servir cette arme ? me questionne-t-il, me faisant ainsi redescendre sur Terre.
Je ne sais pas vraiment quoi dire, même si je me doutais qu’il serait curieux. Wilfrid ne m’a pas interdit de lui parler du plan, mais je suppose qu’il ne m’a pas vraiment conseillé. Après avoir longuement pesé le pour le contre, je décide de le tenir au courant. Après tout, il vient de m’offrir l’arme que nous cherchons depuis bien longtemps. Il vient de nous offrir l’objet de la libération.
Je lui explique notre évasion et le reste du plan en détail, il écoute avec attention. Je tente de déchiffrer son expression mais ses yeux restent inertes, comme figés.
Après mon interminable explication, je reprends mon souffle et…
- Je veux venir avec vous, s’exclame-t-il.
Attendez….quoi ?
- Mais….si tu… si tu viens, tu deviendras un Rebelle !
Il hausse les épaules, indifférent.
- Oui, et alors ?
Je reste sans voix, complètement ébahie par ce que je viens d’entendre.
Ce… ce n’est pas possible, il se fiche de moi !
Le fils d’Olaf Ganecha ne peut décidément pas devenir un Rebelle, c’est insensé. Je me pince machinalement le bras… je ne rêve pas.
Je me lève d’un coup.
Je me demande si ce n’est pas un piège… Le doute s’installe. Je ne peux pas me permettre de le laisser nous manipuler, malgré sa sincérité. Cela dit, nous sommes plus d’une vingtaine, nous pourrons facilement le capturer s’il montrait des signes de trahison.
- Si tu veux sortir avec nous de Paris, il va falloir que tu apprennes à manier une arme et à tirer et en une journée, c’est mission impossible.
Il me regarde malicieusement.
- Que j’apprenne ? Je ne me souviens pas t’avoir dit que je ne sais pas déjà.
Sans me laisser le temps de répliquer, il m’attrape par le bras et me traîne jusqu’à l’ascenseur, sous mes cris indignés. Nous descendons au niveau -3.
Les portes s’ouvrent tandis que je me masse le bras et grommelle dans mon coin. Je découvre alors une salle d’entraînement, exactement comme dans le sous-sol de notre entrepôt. Seulement, cette salle-là est beaucoup mieux équipée et grouille d’armes dont je ne connaissais même pas l’existence. Tyson prend un pistolet, me lance un regard en coin et vise une silhouette en carton qui se situe à environ cinquante mètres de nous, au bas mot.
- Tu veux que je tire où ? Ventre ou tête ? me demande-t-il avec un sourire narquois.
- Heu… je ne sais pas… la tête.
Il vise et tire sans même s’appliquer et atteint parfaitement la cible. Je reste bouche bée, la seule personne de ma connaissance qui tire aussi bien est Wilfrid. Il retire trois fois de la même façon est atteint trois fois l’endroit exacte où se trouve la première balle.
- Eh bien, je réussis à dire. Je crois que je ne peux pas te dire non pour….
Il se retourne brusquement et vient me plaquer la main sur ma bouche.
- Regardez qui voilà, tonne une voix grave derrière moi. Mon fils et sa nouvelle amie !
Mince, un mot de plus et j’étais fichue.
- Pale, je te présente la fameuse Agénia Aysun, dit Olaf d’un air enjoué.
Pale s’avance et me dévisage de haut en bas. Je n’oublie pas de faire une révérence ce qui a pour effet de le rendre mal à l’aise.
- J’ai appris la mort de vos parents, je vous présente toutes mes plus sincères condoléances.
Il fait au moins semblant d’avoir l’air touché. Je m’apprête à lui crier d’aller se faire voir et de me laisser tranquille, lui et cet imbécile d’Olaf, mais Tyson sent ma fureur et me prend la main pour m’indiquer de me calmer. Il m’est impossible de répondre à Pale sans lui balancer une injure à la figure. Un silence tendu s’installe alors.
- Savez-vous manier un revolver mademoiselle Aysun ? demande Olaf, rompant ainsi le silence en premier.
Un petit test pour vérifier mes compétences et déterminer dans quel clan je suis….
Tyson me regarde et articule un très léger « Non » mais je n’avais pas l’intention d’exposer mon potentiel à ces ordures.
- Non, je n’ai jamais essayé.
- Cela vous tente-t-il ? dit Pale en m’enfonçant encore plus.
- Ce… ce n’est pas une activité très féminine.
- Allez, juste pour essayer, insiste Olaf.
Mon regard se pose discrètement sur Tyson. Il hoche la tête.
Je me mords la lèvre et inférieure et murmure un vague « D’accord ».
Tyson me donne son arme et me souffle « Sois mauvaise ». Je lui réponds d’un regard appuyé et me dirige vers la cible. Je vise et fais volontairement trembler mes mains pour montrer que c’est la première fois que j’ai une arme en ma possession.
Je tire et me souviens de ma chute, lors de ma première fois, causée par la puissance du tir. J’imite le même déséquilibre, Tyson me rattrape en rigolant. Même Olaf et Pale semble avoir marché et arborent un sourire.
- Cela ne fait visiblement pas partie de mes talents, dis-je en plaisantant.
- Effectivement, je ne pense pas que votre métier soit Soldat, affirme Pale.
- Non, je suis une Infirmière.
- La médecine c’est de famille je vois. Comme votre mère, dit-il en hochant la tête.
J’ouvre grand les yeux. Pourquoi fait-il une fixation sur ma mère ?
- Vous la connaissiez ? je lui demande, tout en sachant que la réponse est oui.
- Pas….pas personnellement mais on m’a souvent chanté ses louanges en matière de kinésithérapeute.
Il ment. Ma mère était douée, c’est certain, mais pas au point d’être connue par des Leaders d’Or. Mais je ne vois pas d’autres explications, je me contente donc de cette réponse. Je fouillerai plus tard.
- Nous allons vous laisser, conclut Olaf avant de tourner les talons avec Pale et d’appeler l’ascenseur.
Une fois qu’ils sont hors de vue, je me tourne vers la cible, vise et tire parfaitement. La balle atteint le centre sans problème.
- Tu es une très bonne comédienne, j’ai vraiment cru que tu étais nulle, plaisante Ty.
- Tant mieux alors. Avant d’être interrompue, je voulais juste te préciser qu’il faudra que je parle à mon Chef de ton autorisation à nous suivre, mais je
pense qu’il réclamera les armes avant.
- Je n’en ai que deux anti-Inter il y en a bien une autre mais c’est Léon qui la garde. Je ne sais pas où il se trouve ne ce moment mais de toute façon, il n’acceptera jamais de me la céder. Je sais aussi que nous avons reçu récemment des tranquillisants spécialement conçu contre les Inters et j’accepte de vous offrir une cargaison d’armes en plus.
Je lui fais un clin d’œil.
- Ce sera parfait.
J’ai encore du mal à imaginer qu’il veut devenir un Rebelle.
Je prends mon portable et appelle Wil. Il décroche à la première sonnerie.
- Mon ange ? Tout va bien ?
- Oui, tout va très bien même, je pense que tu vas être content. Tyson veut bien nous donner une livraison d’armes.
Silence. Je pense qu’il doit être surpris.
- Tu es sérieuse ? Sans condition ?
Ah. Il n’est pas idiot.
- Si, il a quand même une exigence, mais elle n’est pas mauvaise pour nous.
Il soupire.
- J’imagine que je suis obligé d’accepter.
- Il veut sortir de Paris avec nous.
- Pardon ?
- Je t’en prie Wil, je l’ai vu tirer et il est aussi bon que toi.
Il rit.
- Excuse-moi mais je n’en suis pas si sûr
- Eh bien ne me crois pas. Mais je peux te l’assurer.
- Ne jure pas. Je suis certain d’être meilleure mais bon. Si le fils Ganecha veut devenir un Rebelle, j’accepte, même si c’est très étrange. Tu es sûre de ce que tu fais ? insiste-t-il.
- Certaine.
-Très bien alors.
- Nous arrivons dans cinq minutes.
Je raccroche et me tourne vers Tyson.
- Alors ? me demande-t-il, impatient.
- Tu viens avec nous. Nous avons rendez-vous avec le Chef immédiatement, il faut qu’on aille chercher les armes maintenant.
Je lui réponds avec un sourire franc. Même si c’est complètement insensé et très étrange, j’avoue être assez heureuse de cette collaboration, malgré quelques hésitations passagères. Tyson est… un véritable mystère. Je n’arrive pas à le déchiffrer : comment un enfant né d’une famille riche, sans problème et avec un avenir tout tracé, peut-il vouloir rejoindre l’organisation contre laquelle il a été formé à combattre ?
Il ne doit pas être humain. Enfin, c’est une façon de parler. Bien sûr qu’il ne l’est pas, mais ce n’est pas un comportement digne d’un Inter.
Il pousse un soupir de soulagement et me sourit.
- J’en suis heureux. Depuis le temps que je voulais fuir de cet endroit ! Mais il faut que nous soyons vigilants lorsque nous irons récupérer les armes : ils ne laissent entrer personne. Je pourrai y accéder facilement je pense, mais pour toi, ça va être compliqué.
Au ton de sa voix, je devine qu’il avait déjà prévu un plan.
- Que proposes-tu ?
Il se racle la gorge, gêné.
- Heu… je me suis dit que l’on pourrait éventuellement simuler une… relation ? C’est ce qui me paraît le plus simple, s’excuse-t-il devant mon visage en feu. Je comprendrai que tu refuses, ne t’en fais pas.
J’évite de le regarder dans les yeux et hoche légèrement la tête.
- Pas de problème, on va faire ça.
*************************
Je le soupçonne d’en profiter un peu lorsqu’il me prend la main dans l’ascenseur. Lorsque les portes s’ouvrent au niveau -2, j’essaie de jouer le jeu et me colle un peu plus à lui. L’endroit est rempli de personnes, travaillant d’arrachepied, déchargeant les dizaines de camions. Quelques hommes nous prêtent une vague attention, fronçant les sourcils devant ma présence, mais la plupart des personnes nous ignorent.
Tyson se penche vers moi et me chuchote doucement :
- Fais semblant de rire et rougis, comme si je t’avais raconté quelque chose de drôle.
Je simule un rire peu élégant mais je n’ai pas besoin de me forcer à rougir lorsque je sens son souffle glacial dans mon cou. Cela le fait sourire. J’avais oublié que la température corporelle des Inters est de 17 degrés. Nous traversons l’entrepôt, main dans la main, jusqu’à une porte renforcée, protégée par un I.S armé. Mon sourire s’efface, j’avale difficilement ma salive. Nous nous arrêtons quelques mètres avant. Tyson se penche de nouveau vers mon oreille.
- Agé, je ne veux surtout pas te mettre mal à l’aise, mais celui-ci va être difficile à convaincre. Il va falloir en faire plus.
Je le regarde en souriant pour lui montrer mon accord.
Il met sa main sur ma hanche et j’appuie ma tête sur son torse. Mon cœur se met à battre frénétiquement et bien trop vite à mon goût.
- Bonjour Monsieur Ganecha. Que puis-je faire pour vous être utile ? demande l’I.S solennellement.
- J’aimerai entrer dans l’armurerie, ordonne Tyson d’une voix froide que je ne lui connaissais pas.
Le soldat regarde Tyson avec un air aimable mais le mépris qui se cache derrière son sourire lorsqu’il me détaille, est facile à percevoir.
- Bien sûr Monsieur, mais cette jeune demoiselle devra rester ici.
Tyson me sert un peu plus fort contre lui et mon stupide cœur s’accélère de nouveau.
- Cette jeune demoiselle sera bientôt ma femme (il me sourit) alors je ne pense pas qu’il faille prendre des précautions avec elle, mais j’aimerais que vous gardiez pour vous notre visite. Mon père n’apprécie pas mon choix et prendrait mal cette petite excursion au cœur de la Pointe. Je pense que vous êtes de mon avis, n’est-ce-pas ?
Je me retiens de rire devant la façon dont Tyson manipule ce pauvre homme. L’I.S hésite, il sait que plaire à un futur Leader d’Or lui serait bien utile.
- Bon, d’accord, finit-il par lâcher. Mais cela devra rester strictement privé. Voici la clef du camion si jamais vous souhaitez l’emprunter.
Il a choisi la flatterie. Tant mieux pour nous.
- Merci, je me rappellerai de votre geste, conclut Ty en prenant la clef.
L’I.S ouvre la porte.
Je suis fascinée par ce que je vois. La pièce est immense, à un tel point qu’au moins cinq tanks et quelques camions y sont stockés. Les armes sont présentes sur chaque pan de mur, tous les types sont réunis. Du plus petit revolver, jusqu’à l’arme d’assaut, du calibre aux pistolets utilisés autrefois dans le Far-West. Des fusils, des Colts, des mitraillettes… tout y est. Mais il y a aussi des poignards, des épées, des sabres et bien plus encore.
Lorsque Tyson et moi nous avançons, je peux sentir l’arme anti-Inter qu’il m’a offerte, bloquée par mon soutien-gorge. Cela me rassure d’avoir une arme pareille sur moi, je me sens invincible.
Nous nous dirigeons vers un fourgon blindé, aux pneus aussi haut que moi. Je tente d’ouvrir la portière mais elle est tellement épaisse et lourde que je n’y arrive pas. Tyson rit et l’ouvre sans aucune difficulté. Je le remercie d’un sourire malgré mon embarras. Je rentre dans le fourgon et prends place sur le siège passager, Tyson s’assied et prend une télécommande sur le compteur. Il appuie sur un bouton et la grande porte du garage s’ouvre dans un silence absolu.
Tandis que nous attendons, je prends soudainement conscience de l’absence d’I.S dans les parages. Il n’y a personne devant le portail, c’est étrange.
Je garde cette question de côté et guide Tyson (avec une grande difficulté, n’ayant aucun sens de l’orientation) vers les entrepôts. Wilfrid nous attend dehors, les bras croisés et une mine renfrognée que je compte bien enlever de son visage.
Je sors joyeusement et dis d’un ton espiègle :
- Joyeux anniversaire Wil !
Il rit devant mon air victorieux. Ty s’avance pour échanger une poignée de main à son nouveau chef. Wil se dirige alors vers moi pour m’embrasser fougueusement, je me sens un peu gênée par rapport à Tyson, mais au moins, il n’aura plus aucun doute quant à ma relation avec le Chef.
Il me lâche et tandis que je reprends mon souffle, va aider Ty qui a commencé à décharger la cargaison. Ce dernier n’a pas l’air très à l’aise, ce que je peux comprendre car je suis moi-même un peu embarrassée.
- Merci Ganecha, remercie Wil avant de m’embrasser à nouveau
Tyson relève légèrement la tête mais se retourne rapidement devant ce spectacle.
- Je préférerais Ty ou du moins Tyson, dit-il, toujours dos à nous.
Je ne supporte pas cette situation. Je repousse doucement Wilfrid, qui me lance un regard interloqué. Il tente de m’embrasser à nouveau mais je m’écarte de lui.
- On se calme mon cœur, il y a du travail, dis-je avec douceur.
Wil lève les yeux au ciel tandis que je m’esclaffe doucement.
- J’appelle souvent les Rebelles par leur nom, rétorque Wil à Ty tandis que nous l’aidons. Je comprends que cela te mette dans une position délicate avec un nom pareil.
Tyson ne relève pas et me lance un regard perplexe. Bien sûr, il n’est pas idiot, il doit avoir compris que Wil ne l’apprécie guère pour beaucoup de raisons, c’est évident. Je soupire et hausse les épaules en lui renvoyant un regard désolé.
- Je suis heureux de faire partis de votre équipe en tout cas, lui répond Tyson, essayant vainement de gagner la sympathie de Wil.
Celui-ci lui répond par un regard méprisant.
Alors que j’assiste à cet échange, mon téléphone sonne. Après un rapide coup d’œil à l’écran, je me rends compte avec effroi que j’avais oublié ma sœur.
Je décroche, appréhendant son interrogatoire.
- Oui Anya ?
- Agénia, es-tu encore avec Tullia ? me demande-t-elle d’une voix sèche.
- Non, je suis avec…heu…Tyson.
Elle soupire et paraît se détendre à cette annonce. Je pense qu’elle se sent heureuse de me savoir en aussi bonne compagnie.
Même si elle n’a pas besoin de savoir que je suis aussi accompagnée d’un fourgon rempli d’armes et du Chef des Rebelles.
- Très bien alors. Tu manges avec lui ce midi ?
- Oui, on se voit ce soir.
- Pas de problème, me répond-t-elle sans réussir à cacher son excitation. A ce soir alors.
- Attends…
J’hésite à lui dire ce que je ressens, car je sais très bien que l’on ne se verra pas ce soir et même si je ne l’aime pas comme je le devrais, elle va me manquer. Un peu.
- Oui ?
Elle a l’air surpris.
- Je… je voulais juste te dire que même s’il y a quelques tensions entre nous qui ne disparaîtrons jamais, je… je t’apprécie.
Je ne sais pas comment lui dire que je l’ai appréciée par le passé, avant que cette guerre ne la rende méconnaissable. J’aimerais lui dire que je l’admirais, je la considérais comme mon idole lorsqu’elle était forte, déterminée et chaleureuse. J’avoue que cette époque qui me semble si loin me manque terriblement.
- Merci Agénia, cela…me touche, dit-elle d’un ton perplexe.
- Dis à Vilma que je l’aime de tout mon cœur.
L’idée de quitter ma petite sœur me déchire le cœur, j’ai le sentiment de l’abandonner à ses monstres qu’elle considère comme ses semblables. Je n’oublierai pas sa petite tête blonde aux joues roses et sa joie innocente.
- Pourquoi me dis-tu cela ?
- Je ne le dis pas assez, c’est tout, dis-je d’un ton renfrogné devant son manque de sentiments.
- D’accord, à plus alors.
- Au revoir.
Adieu.
Les garçons me regardent alors que je renifle doucement. Je n’avais pas remarqué que je parlais aussi fort. Je continue de décharger les armes, comme si de rien n’était, aidée de trois autres Rebelles venus nous prêter main forte. Nous avons organisé un repas durant lequel nous allons enlever nos bracelets, Wilfrid a trouvé un moyen de le faire sans activer l’alarme.
Ce sera le dernier rassemblement avant notre liberté.
Une fois toutes les armes déchargées au sous-sol, nous nous réunissons dans l’entrepôt, où des tables ont été agencées, un verre d’eau pour chaque personne. Nous prenons place, Tyson s’assoit à ma droite et commence à bavarder avec quelques Rebelles réticent, qui l’ignorent superbement. Je me renfrogne devant ce spectacle : il a beau essayer de se faire accepter, très peu de personnes acceptent de lui parler. Les autres Rebelles n’essaient même pas de le connaître et lui lancent des regards hostiles ou remplis de dégoût. Je suis gênée et peinée par ce manque de civilité de la part de notre équipe mais lorsqu’il commence à bavarder avec Marianne, je me sens rassurée. Quelques curieux tentent d’écouter discrètement leur dialogue mais finissent par participer eux-aussi avec animation à la conversation. Je souris devant son charme naturel qui fait rapidement effet. Il ne paraît pas méchant, je pense que cela influence aussi sa capacité à se faire accepter.
Je tourne la tête, Tullia est collée à Max, comme s’il risquait de s’enfuir à tout moment. Notre dernier repas se déroule dans la bonne humeur, les Rebelles semblent tous très optimistes pour notre évasion et cela me rassure.
Vers 14 heures, les deux volontaires chargés de l’explosion de l’immeuble partent remplir leur mission. Leurs visages ne parviennent pas à camoufler leur peur, je prie silencieusement pour que tout se passe bien. Personne ne sait s’ils parviendront à s’enfuir assez rapidement après leur diversion. Malgré cela, ils partent la tête haute, enlaçant leurs bras leurs amis, serrant des poignées de main. Une demi-heure plus tard, les Rebelles cagoulés chargés de la délivrance de mes frères s’en vont à leur tour. Wilfrid murmure quelque chose à l’oreille de Tyson, qui hoche la tête et se lève en les suivant. Il est vrai qu’il leur sera très utile pour le guider dans la Pointe Noire mais cela ne fait que renforcer mon angoisse pour eux. Wilfrid viens vers moi et me murmure un « Je t’aime » chargé d’émotion avant de me serrer discrètement la main. Une fois parti, je ferme les yeux et respire calmement, regrettant un baiser de sa part.
- Il est vraiment gentil avec toi, dit Tullia en se penchant vers moi, la voix pleine de sous-entendu.
Je tourne la tête de l’autre côté pour ne pas qu’elle voit mes yeux.
- Oui, je lui réponds d’une voix neutre.
Des heures interminables passent, sans aucune nouvelle des groupes de volontaires. Nous sommes très anxieux, même si nous ne le montrons pas. Tullia me parle de tout et de rien, dans une vaine tentative de détourner l’attention sur le manque de nouvelle. Nous ne pouvons rien faire et cela me rends nerveuse et énervée. Nous ne devons pas bouger tant que les Rebelles dissimulés en I.S n’ont pas désactivé la barrière électrique, cela pourrait bouleverser le plan.
- Il y a du nouveau !
Le peu de Rebelles qu’il reste se précipitent vers la voix mais je ne bouge pas, craignant des mauvaises nouvelles. Mon cœur se sert douloureusement et mon ventre se noue.
- Mission accomplie, nous devons nous rendre à la Clôture immédiatement ! s’écrie Max.
Je pousse un soupir de soulagement Je vais enfin retrouver mes frères, Wil et Tyson. Cela me suffit, je ne demande rien de plus. Les armes sont rapidement distribuées et nous sommes tous dans la camionnette qui nous emmène en moins d’une minute. Une fois installée près de Max, en face de Tullia, je remarque mes mains tremblantes.
J’ai peur.
Tullia comprend mon appréhension et me prend la main en me lançant un pâle sourire.
- Tu te sens bien ?
- Oui, dis-je nerveusement. Je suis impatiente.
Ce n’est qu’un demi-mensonge.
- Moi aussi, me sourit-elle. Nous serons bientôt libres.
Le silence qui s’installe ensuite et presque aussi rassurant que toutes les paroles apaisantes. Arrivés aux frontières, nous passons facilement grâce à quelques contacts. Personne ne semble se rendre compte de la coupure de courant, l’alarme a été désactivée. La camionnette s’arrête sur une place réservée, nous restons silencieux, de peur de nous trahir. J’ai le ventre noué par l’excitation, mais nous ne devons pas commencer l’attaque tant que Wilfrid ne nous a pas prévenus. Nous attendons durant huit minutes avant d’entendre quelqu’un toquer discrètement contre le fourgon.
La porte s’ouvre sur Wilfrid, accompagné du groupe. J’aperçois Tyson qui me sourit légèrement, un air grave sur son visage. A côté de lui, Hermond se tient droit et solennel. Malgré mon envie irrésistible, je me retiens de leur sauter dans les bras. J’aperçois la tignasse de Dain dans la foule, mais la perds aussitôt de vue.
- Bon, lance notre Chef à voix basse. La première vague de Rebelle se prépare au combat tandis que la deuxième s’apprête à courir et à escalader la Clôture.
Nous nous couvrons le visage rapidement avant de se mettre en position. Wil fait signe à la première vague d’attaquer. Des coups de feu se font rapidement entendre, ce qui augmente mon stress et mon angoisse.
Hermond vient près de moi, je me sens beaucoup plus rassurée lorsque que je lui sers la main affectueusement. Il dépose un baiser sur mon front avant de retourner vers son groupe à mon plus grand regret. Max est à côté de moi, nous sommes prêts pour l’assaut.
- DEUXIEME VAGUE ! hurle Wil à plein poumon.
C’est notre tour d’entrer dans l’action. Max et moi courons le plus vite possible, sans vraiment regarder ce qu’il se passe, ni même notre direction. Max me couvre en tirant sur tous les I.S qui s’avancent vers nous, tout en essayant de tenir le rythme et d’avancer. Je l’aide du mieux que je peux en visant à mon tour les ennemis : je tire sur quelques I.S qui tombent, seulement blessées.
Allez, tu y es presque !
Je m’encourage mentalement. Les I.S hurlent des ordres de contre-attaque et je sens que les tirs s’accumulent autour de moi. Je suis surprise de voir plus d’ennemis que de Rebelles, cela ne me rassure pas vraiment.
Les coups continuent mais je ne m’arrête pas, je tiens bon et continue de courir vers mon seul et unique but : la Clôture. Max est derrière, il est ralenti par ma faute, forcé de me protéger. Je me retourne pour l’encourager mais j’aperçois un I.S, la main sur son arme. Je suis plus rapide et le touche plusieurs fois avant de le voir s’écrouler de douleur. Une fois arrivée à la barrière, je me place près d’un tas d’armes abandonnées, un peu à l’écart de l’agitation.
Max arrive vers moi, haletant. Il pose sa main sur mon épaule et me remercie chaleureusement de l’avoir sauvé.
- C’est plutôt moi qui devrais te remercier, je lui réponds en souriant.
Il me fait un signe de tête reconnaissant avant de reprendre la parole :
- Passe la première, je te couvre.
Je ne discute pas et grimpe le plus vite possible : la barrière est vraiment mal faite, il y a des points d’appuis partout, ce qui rend le parcours facile. Une fois arrivée en haut, je m’assois sur des trous entre les barbelés et fais signe à Max de grimper. Rester en haut, à la vue de tous est assez risqué mais je peux couvrir Max facilement lorsqu’un I.S s’approche en courant de la barrière. Je lui tire dessus, du sang gicle de sa poitrine… Je regarde le corps s’effondrer lentement, le regard dans le vide, la bouche grande ouverte.
C’était un Humain. C’était ma première victime.
Je regarde le corps sans vie de l’homme et je sais que ça ne sera pas ma dernière fois.
- Rien de cassé ?
Je regarde Max, comme si c’était un inconnu, la mine encore choquée. Il me regarde avec affolement.
- Agénia, ça va ?
Je secoue la tête pour reprendre mes esprits.
- Oui merci, dis-je machinalement.
Il continue de me fixer étrangement.
- On devrait y aller, me dit-il enfin, en fronçant les sourcils.
Nous descendons rapidement de l’autre côté. Quand mon pied touche le sol, je me sens libre, délivrée de toute contrainte. C’est un sentiment si bon, j’ai l’impression que je l’attends depuis une éternité. Mais mon exaltation est de courte durée, les coups de feu me ramène sur terre. Je cours le plus vite possible, je suis vite rattrapée par Max qui court à mes côtés en m’encourageant :
- Allez Agénia, on y est presque !
J’essaie de faire abstraction au décor macabre : des maisons détruites, des herbes sauvages, une odeur pestilentielle, des cadavres, du sang… Je réprime
un haut de corps et continue d’avancer. Après quelques foulées, les coups de feu ne sont que des bruits sourds et étouffés. Ici, hors de la ville, il n’y a pas de Leader, pas d’I.S, pas de règles, pas de peur. Je me sens tellement bien, je tourne sur moi-même, les yeux plein de larmes de joie. Autour de moi, il y a le même enthousiasme, Léa Nicole est là, avec Kilian, Romain et Joshua (blessé, mais en vie et souriant). Je vois Tullia arriver en courant, seule et les larmes aux yeux. Je ne vois pas Marianne, son binôme, j’en conclus qu’elle ne s’en est pas sortie…
Elle se jette dans mes bras et me serre fort.
- Enfin, me murmure-t-elle. Agénia, on a réussi.
- Oui, on a réussi, je lui réponds doucement, en lui caressant les cheveux.
Il ne me manque que les quatre hommes de ma vie pour pleinement me rassurer : Hermond, Dain, Tyson et Wilfrid. J’ai vraiment besoin d’eux pour vivre mon plein bonheur.
- Ils sont là ! crie Léa.
Je lève la tête : ils sont bien ici, sains et saufs. Hermond est le premier, suivi de Wilfrid et de Tyson. Je cours vers eux et serre Hermond dans mes bras, il m’enlace tellement fort que je ris nerveusement lorsque j’ai du mal à respirer. Je suis tellement heureuse de ces retrouvailles que je pleure à nouveau de joie.
- J’ai cru que je ne te reverrai jamais, dis-je tout bas.
Je suis tellement comblée que ma voix se brise.
- Désolé Agénia, j’aurais dû te dire que j’étais un Rebelle.
- Je pourrais te dire la même chose, dis-je en souriant. Vous m’avez…
Je m’arrête. Vous ? Mais… Où est Dain ? Je fixe Hermond, interloquée et remarque qu’il a pleuré. Il baisse les yeux en guise de réponse.
- Il ne courait pas assez vite, explique-t-il doucement. Je l’ai porté sur mon dos mais c’était très dangereux, un I.S lui a tiré sur la tête.
Mon visage se décompose et mes membres flanchent. Je tombe par terre, à genoux, comme si je venais de me prendre une balle. J’ai tellement mal au cœur que je me demande si ce n’est pas le cas…
- Dain, dis-je d’une voix voilée.
Il était trop jeune. J’ai l’impression de revivre sa mort, d’avoir le cœur déchiré une deuxième fois. Pourquoi ? Nous allions enfin être réunis, enfin heureux et libres.
- Dain !
Des larmes coulent tandis que j’extériorise ma colère et ma douleur. Des mains puissantes viennent me relever avec douceur. Je me dégage de l’étreinte de Wil. Il me parle mais je n’entends rien, je ne ressens plus les contacts des gens qui m’entourent. Mon bonheur s’est volatilisé en une seconde, à cause d’un I.S. Je suis sûre qu’il n’est même pas touché par le meurtre d’un enfant de dix ans…
Hermond pleure avec moi, je pense que c’est plus douloureux pour lui, il doit se sentir responsable. Je lui lève la tête et le regarde dans les yeux, ma main sèche ses larmes. Nous devons faire notre deuil, il ne faut pas se laisser gagner par la haine et la colère.
- Ca va allez, ça va allez…
Je ne sais même pas qui parle. Est-ce moi, pour réconforter Hermond ? Ou le contraire ?
- Ton petit frère a été très courageux.
Une nouvelle voix fait son apparition, et celle-là, je la reconnais. Je me lève et prends Tyson dans mes bras, qui n’est visiblement pas habitué à ce genre de démonstration. Il se dégage gentiment et me met un bracelet au creux de ma main.
- Il était à Dain, je me suis dit que tu aimerais l’avoir avec toi.
Je le regarde : effectivement, le bracelet est gravé au nom de Dain. Je pleure à nouveau, mais plus doucement.
- Merci Ty, je n’oublierai pas. Je suis heureuse de pouvoir l’avoir près de moi maintenant.
Il est trop petit pour mon poignet, je l’accroche donc à la chaîne de mon collier, un cadeau de mes parents pour mes quatorze ans : un pendentif en forme d’aigle, pour me rappeler de garder mon courage et ma liberté. Ce collier représente maintenant les personnes qui sont parties trop tôt, celles que je n’oublierai jamais. Les autres Rebelles se sont écartés, par respect de notre douleur à Hermond et moi. Wilfrid se dirige vers eux, précédé de Ty et dit d’une voix forte :
- Bravo à tout le monde. Je vois qu’il manque Marianne, gardons son courage en mémoire.
Après un instant de silence, Wilfrid nous annonce notre départ pour le Camp.
- Le Camp ? demande Léa.
Elle a l’air curieux, je sens que nous allons bien nous entendre malgré notre différence d’âge d’un an seulement.
- C’est un peu long à expliquer, et nous n’avons pas beaucoup de temps. Ils vont lancer des I.S pour nous retrouver dans quelques vingtaines de minutes.
Je regarde ma montre, il est dix-huit heure. La nuit tombe tard l’été mais on doit se dépêcher. Je renifle doucement et essuie mon visage avec ma manche. Hermond me prend la main et je la serre en guise de remerciement : il faut que nous restons soudés face à ce qu’il nous attend, et il sait que j’ai besoin de lui plus que jamais.
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